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Espaces de Berkovich: Objectifs scientifiques |
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Les fondements de la géométrie des espaces de Berkovich
ont été
posé dans le livre de Berkovich Spectral theory and analytic
geometry over non-Archimedean fields, mais la lecture
de cet ouvrage reste encore
difficile. La définition d'espace même a par la suite
évoluée, et
certains points de nature fondamentale restent encore
éclaircir.
Une ligne d'étude qui n'a pas été
touchée par Berkovich concerne la
structure des morphismes entre espaces de Berkovich et en
particulier la description de leur image. Si l'image d'un espace
analytique n'est en général pas semi-analytique, on peut
malgré
tout espérer pouvoir obtenir une stratification en cellules
au-dessus desquelles le morphisme est particulièrement simple
(plat
?). La structure globale des morphismes reste elle aussi obscure: si
en basse dimension, on peut utiliser des résultats de
monomialisation
des morphismes dûs à Cutkosky pour en comprendre la
structure, rien
de tel n'existe pour le moment en dimension .
Dans ce but, on pourra notamment chercher à utiliser la
notion
d'intégration -adique introduit par Berkovich.
Exploitant le
caractère localement connexe par arcs de ses espaces, il a pu
développer sur ces derniers une théorie de
l'intégration des
-formes différentielles fermés. Celle-ci,
inspirée en partie
par les travaux antérieurs de Coleman sur les courbes,
s'applique
à tout espace analytique lisse
sur
.
Il s'agit d'étudier les propriétés dynamiques
d'une fraction
rationnelle définie sur
un corps
donnée.
Dans le cas classique ,
induit une action
sur la
sphère de Rieman
. Pour comprendre la
dynamique de
, on découpe
en deux
zones disjointes: un ouvert appelé ensemble de Fatou où
la
dynamique est régulière; et son complémentaire
l'ensemble de
Julia où la dynamique est chaotique. Après les travaux
fondateurs
de Fatou et Julia, ceux de Siegel, Brjuno, Yoccoz, Sullivan ont
permis de comprendre complètement la dynamique dans l'ensemble
de
Fatou. Parallèlement, en suivant une approche statistique,
Brolin,
Lyubich, Mané et plus récemment Prytycky, Smirnov ont eux
étudié les propriétés ergodiques fines de
et la
géométrie fractale de l'ensemble de Julia.
Enfin la
dépendance de la dynamique de
par
rapport aux paramètres a
fait l'objet de travaux difficiles par Douady, Hubbard
et
McMullen. Il est naturel de tenter de suivre ce schéma
d'étude si maintenant
est un corps
métrisé ultramétrique quelconque.
La dynamique dans l'ensemble de Fatou est maintenant bien comprise grace aux travaux de H'sia, Rivera-Letelier et Benedetto, mais ils restent encore quelques questions fondamentales en suspens. On peut en citer deux parmi d'autres: l'estimation du nombre de composantes quasi-périodiques; et la classification des composantes de Fatou de type errant. Pour ce dernier problème, des résultats partiels de Benedetto et de Kiwi ont été obtenus.
la dynamique dans l'ensemble de Julia et plus
généralement les
propriétés ergodiques de sont
elles beaucoup plus
mystérieuses. En utilisant la théorie du potentiel sur
les courbes
analytiques (voir §1), Favre et
Rivera-Letelier ont
réussi à construire une mesure invariante ergodique dont
le
support caractérise l'ensemble de Julia. Cependant et en
constraste
avec le cas complexe, l'étude plus fine des
propriétés
ergodiques de
s'avère très
délicate. Les cas
problématiques surgissent lorsque
possède des réductions
non-séparables. Dans ce cas, une question aussi basique que le
calcul d'entropie reste sans réponse. Pour comprendre mieux ces
phénomènes, il est naturel de regarder dans un premier
temps des
cas avec réduction séparable, par exemple lorsque
est de
caractéristique résiduelle nulle. Les premiers indices
montrent
que dans ce cas, on peut aussi espérer commencer une
étude de
l'espace des paramètres, domaine essentiellement vierge dans le
cadre non-archimédien (en dehors de travaux partiels de Kiwi,
voir §3).
De manière moins ambitieuse et pour préparer le
terrain, il serait
intéressant d'analyser des classes d'exemples non triviaux de
dynamique non-archimédienne en dimension supérieure. Dans
cette
optique, et s'inspirant de leurs analogues complexes, les
automorphismes de type Hénon sur , les
automorphismes de
surfaces K3, les endomorphismes des variétés
abéliennes semblent
les plus prometteurs.
De manière générale, on peut s'attendre à
ce qu'une famille
d'objets définie sur dégénère en un objet
défini sur
. D'apparence très vague
cette idée
dessine en réalité un lien profond entre diverses
études d'apparence
disjointes.
Leur méthode de construction est la suivante. Pour chaque
polynome
complexe, on munit le bassin de l'infini d'une métrique plate
adéquate. Lorsque le polynome tend vers l'infini dans l'espace
des
paramètres, on montre que l'espace métrique ainsi
défini
converge au sens de Gromov vers un arbre réel muni d'une
dynamique
limite affine par morceaux. En rajoutant à l'infini un ensemble
d'arbres réels particuliers, on obtient ainsi une
compactification
de
dans laquelle la dynamique induit par les polynomes
s'étend continument au bord. En s'appuyant sur cette
propriété,
DeMarco a pu analyser en détails les
dégénérescences des
polynomes et la géométrie de
au voisinage de
l'infini. Comme on le voit, le point de vue de DeMarco-McMullen est
combinatoire et métrique et n'utilise pas explicitement le
langage
des espaces de Berkovich.
Dans le cas particulier des polynomes de degré , Kiwi a montré
cependant comment obtenir cette compactification en utilisant la
dynamique des polynomes sur
. Son approche permet de
relier directement la dynamique sur
et la dynamique sur
et peut donc servir pour transporter des résultats
du complexe vers le non-archimédien et vice-versa. C'est une
méthode très prometteuse pour approcher les
problèmes
mentionnés en §2: Kiwi a pu ainsi
donné la
caractérisation attendue des composantes errantes des polynomes
cubiques.
Une extension des résultats de Kiwi en degré plus
grand pourrait
de plus être combiné avec l'étude
pluripotentialiste de
qu'ont
effectuée Dujardin et Favre. Suivant les travaux de DeMarco et
de Bassaneli-Berteloot, ceux-ci ont
construits des courants positifs fermés de tout bidegré
décrivant les bifurcations des polynomes, et il serait
très
intéressant d'étudier leur trace sur le bord à
l'infini, et de
relier cette trace à des courants naturels définis dans
l'espace
des paramètres des polynomes sur
. On voit donc
qu'il apparait encore une fois la nécessité de construire
une
théorie convenable du pluripotentiel sur les
variétés de
Berkovich.
Enfin mentionnons aussi que peu de choses ont été faites pour comprendre le bord de l'espace des paramètres des fractions rationnelles. La situation est nettement plus compliquée car la combinatoire de telles applications est très difficile à coder.
Cette idée a été aussi utilisé par
Berkovich lui-même pour
relier la filtration de Hodge d'une variété complexe
à
cohomologie étale de son analytifié au sens de Berkovich.
Plus
précisément, si est une
variété algébrique sur
,
et si
désigne l'espace analytique
associé sur
muni de la norme triviale, alors
est naturellement
isomorphe à
. Au vu de ce résultatt, on
peut se
demander, si il existe une description des crans supérieurs de
la
filtration par le poids des
en termes
de l'espace
?
Ducros a étudié en détail le cas des
courbes analytiques les groupes de cohomologie qui comparent la
topologie de l'espace sous-jacent à sa topologie étale.
Une
généralisation de cette approche (et notamment du
formalisme des
triangulations, introduit pour l'occasion et sur laquelle elle se
fonde) en dimension supérieure pourrait certainement être
utile pour
répondre à la question ci-dessus.
L'idée suivante
permet concrètement de relier famille à un
paramètre de
variétés sur et variété sur un corps
non-archimédien. Soit donc
une
variété algébrique propre
sur le corps
des fonctions méromorphes au
voisinage de l'origine
dans
.
Elle définit, pour tout nombre complexe
non
nul et de module suffisamment petit, une variété
algébrique
complexe
. Par ailleurs, on peut par
complétion plonger
dans le corps des séries formelles
. Lorsqu'on
munit
d'une valeur absolue
-adique,
on en fait un
corps ultramétrique complet. Bien que la topologie induite par
sur
est discrète donc très
différente
de la topologie standard, de nombreux liens existent entre
la famille des
et l'espace de Berkovich
.
Kontsevich et Soibelman ont ainsi considéré le cas
où est
une variété de Calabi-Yau. Ils ont défini de
façon
cohérente une métrique plate
de
diamètre
sur chacun
des
; et ont conjecturé que si
a une
réduction totalement dégénérée, la
suite d'espace
converge quand
(au
sens de Gromov) sur un
espace métrique qui s'identifie à un fermé de
sur lequel ce dernier se rétracte.
Comme dans le cas dynamique
mentionné ci-dessus, ce type de
résultats permet de transporter des informations du complexe
vers le
non-archimédien et vice-versa. Ils permettent en particulier de
construire des exemples de variétés de Berkovich muni
d'une
géométrie très riche. Dans une autre direction,
comme l'a
montré Berkovich ces constructions permettent aussi de relier
les
groupes de cohomologie de aux variation de
structures de Hodge mixtes sur
.